Anatèm, roman SF hors norme qui offre un final en apothéose
- Clémence
- 7 mai
- 5 min de lecture
Anathème, c'est un vrai mot, et ça signifie l'exclusion de quelqu'un qui ne respecte pas la doctrine religieuse établie. Par ce simple titre, Neal Stephenson, l'auteur d'Anatèm, en révèle déjà beaucoup sur les réflexions primordiales présentes dans son roman.
Un véritable nexus de savoirs
Anatèm conte l'histoire de Fraa Erasmas, jeune étudiant d'une consente : un endroit marginal, séparé du monde extérieur, où scientifiques et philosophes se consacrent à leurs recherches dans une ambiance quasi monacale. Les règles en sont déterminées par ceux qui y vivent ; mais aussi, comme on le découvre peu à peu, par l'ombre du gouvernement.
Erasmas vit dans la consente de Saunt-Edhar depuis son enfance. Elle ne s'ouvre que périodiquement au monde extérieur et c'est durant l'une de ces apertes que de curieux évènements s'enchaînent, amenant le héros principal à lancer ses propres investigations. Finalement, qui contrôle qui ? Y a-t-il des secrets qui lui ont été cachés depuis toujours ? Quelles en sont aujourd'hui les conséquences ? Son aventure l'entraînera bien au-delà des murs de la consente, à la découverte de lui-même, de sa planète, et de ce qui se trouve au-delà.
Ceux qui avaient conçu le système étaient jaloux - non pas des richesses ou des pouvoirs, mais des histoires.
- Anatèm, Neal Stephenson
Vous l'aurez remarqué, Neal Stephenson a été innovant dans le registre linguistique de son roman. Il s'est notamment inspiré du grec et du latin pour concevoir le vocabulaire inhérent à l'histoire. La lecture s'en trouve un peu ardue au départ. Au fur et à mesure des pages, cependant, on se laisse emporter par tous les mystères que renferment la consente puis, peu à peu, le monde extérieur.

Anatèm, dont l'histoire se déroule dans un monde futuriste où le nouveau et l'ancien sont sans cesse confrontés, a été écrit par Neal Stephenson et publié en 2008. Il gagné le prix Locus du meilleur roman de science-fiction en 2009.
Il est parfois étonnant de voir à quel point Neal Stephenson est capable de pousser les théories scientifiques abordées dans son roman. Mais l'auteur d'Anatèm n'est pas qu'écrivain. Il a travaillé pour des sociétés diverses, spécialisées dans la réalité augmentée ou même l'accès à l'espace ! Quelques unes de ses oeuvres majeures (Le Samouraï virtuel, L'Age de diamant, Cryptonomicon) sont aujourd'hui des références dans le domaine des nouvelles technologies, notamment la réalité virtuelle - le terme de metaverse a d'ailleurs été inventé et popularisé par Neal Stephenson.
Le côté scientifique est ainsi parfois très poussé dans Anatèm. Quelques explications et diagrammes permettent en annexe de saisir plus facilement certains concepts mais les éditions françaises ont séparé l'histoire en deux tomes et ces annexes se trouvent à la fin du tome deux... peu pratique. Je vous conseillerais donc de vous procurer le deuxième tome rapidement si le premier vous intrigue, afin d'en profiter le plus vite possible.
La science, cependant, est entremêlée à la philosophie dès le début du roman et c'est ce qui rend l'oeuvre absolument passionnante ; particulièrement dans le deuxième tome, quand l'intrigue se dévoile plus largement et qu'on se retrouve en plein milieu d'une aventure vibrante, hors du commun.
Un dialogue permanent entre sciences et philosophie
Ce roman, au parfum initiatique, nous plonge dans une philosophie toute particulière qui prend d'abord ses racines dans le platonisme. La théorie des Formes ou théorie des Idées de Platon sépare les idées de ceux qui les pensent. Les "formes" viendraient d'un monde plus parfait que les humains seraient capables d'entrapercevoir par leur intellect. C'est ainsi qu'ils parviendraient à faire des découvertes scientifiques ou philosophiques, par la captation de ces idées, qui existent matériellement dans autre monde.
Neal Stephenson décide de développer ce postulat et de l'accoler aux théories de physique quantique qui s'aiguisent aujourd'hui. Un autre monde plus parfait ? D'autres univers où des évènements similaires se produisent ? Mais aller plus loin en révèlerait presque trop sur les intrigues passionnantes que renferme le roman.
Toutes les questions laissées en suspens au moment où ma tête avait touché l'oreiller restaient posées. Mais depuis, mon cerveau avait évolué, pour s'adapter à la nouvelle forme du monde.
- Anatèm, Neal Stephenson
L'auteur nous entraîne plus d'une fois sur des chemins philosophiques et de réflexions divers. C'est l'une des choses qui m'a le plus surprise dès le début du roman : on rentre dans la tête d'Erasmas, d'abord adolescent, qui se questionne sans cesse sur le sens qu'il donne à sa vie. Ce chapitre bien particulier de la vie, l'adolescence, suivi du passage progressif à l'âge adulte, est manié avec justesse dans Anatèm. Parfois associé de façon infructueuse à la science-fiction, l'humour est pourtant ici au rendez-vous et nous plonge plus honnêtement encore dans l'esprit en devenir des personnages principaux de l'histoire. On embrasse leurs questionnements internes, parfois amers, qui vont de pair avec les changements qu'ils sont en train de vivre. La santé mentale d'Erasmas est même abordée au tout début du roman - il lui trouvera un remède unique : la beauté. Le sens initiatique de l'histoire est ainsi prenant et on ne pourra lâcher l'intrigue de peur de manquer l'épanouissement des protagonistes du récit.
Le perception de la beauté allait me maintenir en vie.
- Anatèm, Neal Stephenson
L'ode à l'espoir et à la beauté ne cesse jamais dans Anatèm. Comme dans beaucoup d'autres oeuvres marquantes de SF, une vive critique des systèmes enfermants y est établie - instances de pouvoir passant par les gouvernements, les systèmes religieux - tout en faisant preuve d'une juste compassion. Ceux qui sont emprisonnés dans ces systèmes, à l'instar d'une dépendance malsaine, ont toujours la possibilité d'en sortir. Il suffit parfois seulement d'espérer. Et comme Neal Stephenson le rappelle si souvent dans son roman, de se reconnecter à ce qui est beau.
Et mon côté optimiste dit qu'une telle personne peut se débarrasser de son addiction, se réentraîner à penser comme un poète, et accepter la nature fluctuante des symboles et de leurs sens.
- Anatèm, Neal Stephenson
Il est difficile pour moi de ne pas faire le lien avec la merveilleuse saga Hypérion à travers cette dernière citation. Bercée par la poésie mais aussi l'acceptation du chaos comme loi naturelle inhérente à notre cosmos, cette autre série littéraire de science-fiction est un incontournable pour qui aime les aventures fictives à haut potentiel de réflexion ! Mais je vous en parle un peu plus : ici !
Anatèm est un roman hors norme et qui ne se rapproche d'aucun livre de science-fiction que j'ai pu lire jusqu'ici. Le côté monacal des consentes, les théories scientifiques explorées et le détail apporté aux aventures les plus folles décrites dans ce récit en font une oeuvre unique qui ne trouve sa paire nulle part ailleurs. Il est bon d'être patient et d'accepter que l'apothéose tant attendue ne se révèlera vraiment que durant le second tome mais c'est aussi toute la préparation induite dès le premier livre qui permettra d'en profiter pleinement.
On est pas amené, et on ne revient pas en arrière. On va, et toujours de l'avant.
- Anatèm, Neal Stephenson
Anatèm est le dernier livre de science-fiction que j'ai lu et il m'a notamment inspirée cette vidéo créée pour mon compte instagram. Plongez-vous un peu plus dans l'ambiance de ce roman à travers elle ! ;)
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