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Littérature SF et philosophie : mes 3 incontournables

Clémence

Dernière mise à jour : 26 oct. 2023


Science-fiction rime avec vaisseaux, guerres de l'espace, technologies hyper avancées... et c'est tout ? Absolument pas ! Si j'aime autant la science-fiction, que j'ai pourtant découverte il y a peu, c'est aussi parce que ce genre intègre bien souvent d'importants questionnements philosophiques au sein de ses histoires ; notamment sur nos sociétés et leur évolution.

Je vous parle ici de deux trilogies et d'une série littéraires qui valent le détour si, vous aussi, vous souhaitez allier SF et philosophie !



Dune : la série qu'on ne présente plus


Et il luttait toujours contre la tentation d'emprunter les voies dégagées, sûres, disant : "Ce chemin n'aboutit qu'à la stagnation." - Dune

Considéré comme le roman de science-fiction le plus vendu au monde, Dune remporte le prix Hugo en 1966, ainsi que le prix Nebula la même année.


Je vous l'avoue : j'ai commencé à lire de la science-fiction grâce au fabuleux film Dune de Denis Villeneuve. J'ai adoré ce film, et je sentais que cet univers ensablé avait plus à offrir. C'est pourquoi j'ai décidé de commencer les livres et ce fut une révélation !

Dune raconte tout d'abord l'histoire de Paul, l'héritier de la famille Atréides qui règne sur la planète Caladan. L'empereur Padishah Shaddam IV impose à la maison Atréides l'héritage de la planète Arrakis, nommée Dune par ceux qui y vivent. La décision de l'empereur n'est en réalité pas empreinte de générosité et la famille de Paul, bien qu'ils n'aient pas le choix, court un grand danger en acceptant ce don. S'en suit une série de conflits entre différentes factions, au milieu desquels Paul prendra de plus en plus sa place sur cette nouvelle planète, jusqu'à la faire sienne.


Si certains d'entre vous connaissent déjà l'histoire, vous comprendrez que je me suis arrêtée au deuxième livre de la série : Le Messie de Dune, car celui-ci referme un cycle au-delà duquel, pour l'instant, je n'ai pas souhaité me rendre.

Ce qui m'a particulièrement plu, en premier lieu, c'est l'écriture. Franck Herbert, l'auteur des premiers livres du cycle de Dune, a commencé à travailler sur ces romans au début des années 1960. L'écriture est pourtant, de mon point de vue, d'une grande modernité. Les émotions coulent sur le papier en un flux incessant, frôlant la poésie parfois. L'auteur nous plonge ainsi avec brio dans l'esprit de Paul, notamment lorsqu'il développe son don de prescience à l'aide de l'épice, une drogue lui permettant de démêler les complexes toiles du temps et ainsi d'anticiper l'avenir dans une certaine mesure.


Les enseignements de l'histoire sont nombreux : Franck Herbert nous place dans la tête d'un suzerain, mais aussi de prêtresses, de princesses et de guerriers intrépides. Leur sagesse, leur volonté, leur courage mais aussi leurs dilemmes inspirent et questionnent. Des réflexions sur la religion, la guerre, les sacrifices mais aussi l'écologie et l'équilibre universel sont abordées. En bref, Dune est une œuvre complexe mais complète, dont les racines s'étendent loin vers ces grandes questions que l'on n'ose pas toujours poser. L'ambition ultime, selon moi, d'une création artistique.



Le Cycle du non-A : vulgarisation passionnante de la sémantique générale


Aux jours primitifs de l'art on donnait un soin jaloux aux détails qu'on ne peut voir car les dieux ont l'œil partout. - Le Monde des non-A

Œuvre considérée aujourd'hui comme un classique de science-fiction, le premier tome paraît en France en 1953, traduit par Boris Vian.


Comment résumer une telle œuvre ? Qui plus est publiée pour la première fois en 1945 et dont les enseignements sont pourtant aujourd'hui toujours aussi précieux.

Le gouvernement de la Terre futuriste évoquée dans cette trilogie est régie par une machine qui propose régulièrement des "jeux" à la société, sous forme de questionnaire. Si un individu est capable d'y répondre correctement, il aura accès à la colonie construite sur la planète Vénus, où la société est considérée absolument "saine" car ses habitants sont des adeptes de la philosophie dite "non-aristotélicienne" (non-A). Sur Vénus : pas de gouvernement, ni de police ou d'armée. Il n'y en a pas besoin. Tout roule grâce à ces individus qui semblent hors-normes en terme d'intelligence et de responsabilité. Gilbert Gosseyn (go sane en anglais, en rapport à la réelle sanité du personnage), qui souhaitait simplement gagner son ticket pour Vénus en participant aux jeux, se retrouve propulsé au milieu d'évènements complexes qu'il va devoir éclaircir ; sans quoi c'est sa vie qu'il risque de perdre.


La carte n'est pas le territoire


Alfred Elton van Vogt, l'auteur du Cycle du non-A, a souhaité, par le biais de cette trilogie, vulgariser certaines idées de la sémantique générale, pensée développée par le philosophe et scientifique Alfred Korzybski. Mais c'est quoi, au juste, la sémantique générale ? La sémantique correspond à l'étude du vocabulaire et son évolution. Et Korzybski souhaitait comprendre comment l'utilisation du langage généralise parfois la pensée, pouvant conduire la société à être "non-saine".


Van Vogt étudiait lui-même cette science et souhaitait partager ses vertus au plus grand nombre. Le Cycle du non-A n'est pourtant pas une œuvre simple. L'écriture est parfois complexe, aussi parce que les technologies futuristes imaginées par Van Vogt sont des projections de ce qui existait dans les années 1940, éloignées de la façon dont elles ont véritablement évolué jusqu'à aujourd'hui. Personnellement, j'ai mis un peu de temps à accrocher à l'histoire ; et c'est dans le deuxième roman que j'ai trouvé que le récit développait enfin son plein potentiel.

Cependant, la philosophie intrinsèque à l'histoire est passionnante. Van Vogt dénonce les "identifications" que l'on fait sans s'en rendre compte : réduire quelque chose à ce qu'elle n'est pas, car cette chose est en fait bien plus complexe que le nom qui la désigne. Pour un objet, cela passe encore. Mais une pensée, un concept, un individu ? C'est là que la magie du récit se dévoile. Car l'auteur nous pousse à réfléchir à nos propres limitations : de langage, de jugement, jusqu'à nos propres réactions nerveuses. Que se passerait-il si nous commencions à changer nos perceptions, si nous cessions "d'identifier" et prenions simplement la vie et les gens pour ce qu'ils sont et non plus pour ce que l'on dit d'eux. Serions-nous capables d'abandonner nos névroses ? Et même, de devenir des génies ? C'est le postulat défendu dans Le Cycle du non-A.


Je ne recommande pas nécessairement le troisième livre du cycle : La Fin du non-A, qui n'apporte pour moi que très peu à l'ensemble de l'histoire. Il me semble cependant que les éditions françaises ne proposent maintenant plus qu'une intégrale, troisième livre compris. Malgré tout : lancez-vous. La trilogie du non-A contient une sagesse que je qualifierais d'essentielle, puit de réflexions nécessaire dans nos sociétés où les choses sont parfois simplifiées à l'extrême au détriment de la réalité.



La trilogie du Problème à trois corps : et si ?


L'univers est grand, mais la vie l'est encore plus. - La Mort immortelle

Cette trilogie, dont le premier tome est sorti en 2008 en Chine, a remporté de nombreux prix ; notamment le prix Hugo en 2015 et en 2017, après traduction anglaise.


Une menace extraterrestre ? Une échelle temporelle particulièrement longue pour neutraliser le danger ? Comment l'humanité réagirait-elle ? Mais la trilogie du Problème à trois corps va pourtant bien plus loin que ces "simples" interrogations.

L'histoire commence lors de la révolution culturelle, dans la Chine de Mao. Ce tout premier chapitre transporte et pose le décor de quelque chose que l'on ne saisit encore qu'à peine et qui sera pourtant présent tout au long de la trilogie : le tumulte humain, cause et conséquence du désastre.

Le récit se déroule autour de la vie de plusieurs personnages, scientifiques et militaires en majorité, qui vont chacun jouer un rôle pour sortir l'humanité de cette crise sans précédent. L'écriture immersive, élégante, souligne les dilemmes, les émotions, sans jamais oublier la forte dimension scientifique du récit ; que l'on pourrait qualifier de hard science fiction (quand la cohérence et les détails scientifiques sont particulièrement poussés). Et il faut s'accrocher pour comprendre l'ensemble des théories physiques, parfois stupéfiantes, évoquées au sein de l'histoire, dont les concepts peuvent être durs à appréhender pour des néophytes. Cependant, je reste convaincue qu'il n'est pas nécessaire d'en saisir tous les détails pour apprécier la profondeur du récit.


Liu Cixin, l'auteur de la trilogie du Problème à trois corps, prend un pari risqué en allongeant l'intrigue sur une période temporelle de plusieurs siècles. Comment conserver une cohérence élevée à propos d'une postérité que l'on ne connaîtra jamais de notre vivant ?

Et pourtant, ça fonctionne. Liu Cixin creuse, fouille méticuleusement au plus profond de nos êtres pour dépeindre avec précision ce qui nous définit en tant qu'humanité. Ici, maintenant ; et dans le futur.


Qu'est-ce qui nous fait humains et quelles sont nos valeurs ? C'est l'une des réflexions primordiales du récit. Et je ne peux m'empêcher de faire le parallèle avec le livre Sapiens, écrit par Yuval Noah Harari, qui décrit les valeurs morales de l'humanité comme étant malléables. Comme l'annonce cette citation forte se trouvant dans le deuxième opus de la trilogie, La Forêt sombre :

Quand, dans le futur, on regardera en arrière pour voir ce que nous avons commis, peut-être que cela apparaîtra comme une chose ordinaire. C'est pourquoi nous n'irons pas en enfer, mes enfants.

Et nous ? Si, demain, nous étions confrontés aux défis explorés dans la trilogie du Problème à trois corps, que ferait-on de cet ensemble de valeurs ? Quelle est la bonne réponse ? Mais Liu Cixin ne choisit pas la facilité. Il n'y a pas de bonne réponse. Et au cœur des ambitions folles que renferment cette histoire, autant au niveau littéraire que scientifique et imaginaire, l'espoir émerge à nouveau ; la tragédie laisse aussi la place à la célébration de l'amour et de la vie, et ce jusqu'à la fin.





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