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Clémence

Lectures de l'été : des contes envoûtants à emporter dans nos valises


Qui a décrété que les lectures de l'été ne peuvent faire rimer légèreté et profondeur ? Certainement pas moi ! Découvrez trois (à quatre) pépites littéraires connues et méconnues qui se dévorent avec plaisir sous le soleil.



Circé de Madeline Miller : sur la plage ensoleillée


Madeline Miller, après la publication de son premier roman Le Chant d'Achille en 2011, reçoit le Women's Prize for Fiction en 2012, l'un des prix les plus prestigieux du Royaume-Uni. C'est tout naturellement que Circé, son deuxième roman, atteint rapidement une renommée internationale après sa sortie.


Madeline Miller est passée maître dans l'art de transposer les histoires de la mythologie grecque en des contes modernisés, qui vibrent ainsi parfois plus justement en nous.

Circé, publié en France en 2019, raconte la vie de la magicienne éponyme, fille du titan Hélios et de la nymphe Perséis. Dès le début du récit, nous sommes plongés dans la hiérarchie divine écrasante de la mythologie grecque : entre pouvoir et déchéance. Circé fait partie de ceux qui n'obtiendront jamais le respect de ses pairs ; car habituellement arraché aux autres à coups de calculs et supercheries.

Finalement bannie sur l'île qu'on lui connaît bien, Eéa, elle apprend à vivre seule et, peu à peu, à se découvrir. Car qui est-elle ? Une femme, déjà.


Circé explore la féminité dans son ensemble et s'approprie ce nom si détesté qui a traversé les âges : sorcière. Circé est une sorcière : elle vit selon les rythmes de la nature, parle aux animaux, récolte herbes et fleurs sauvages, concocte des potions aux mystérieux pouvoirs... Elle se cherche durant de nombreuses années avant de s'apprendre enfin et d'accepter sa puissance. Elle seule trouvera sa dignité et reconnaîtra sa valeur intrinsèque que personne ne daignait lui accorder.


Je pensai : je ne pourrai pas supporter ce monde une fois de plus.

Alors fabriques-en un autre, mon enfant.

- Circé, Madeline Miller

Elle va aimer, aussi. Devenir amante et mère. Cette deuxième partie du livre relative à sa maternité devient d'ailleurs extrêmement touchante. L'écriture de Madeline Miller commence à ce moment de l'histoire à nous inonder de sa sagesse et ce sont ces passages qui m'ont définitivement convaincue.


En-dehors du message intrinsèquement féminin de ce conte et de la philosophie qui l'habite, c'est aussi le soleil, la nature et les plages d'Eéa qui marquent chaque page. L'écriture moderne et légère en fait d'autant plus, selon moi, un choix parfait à emporter dans nos valises cet été !



Océan Mer de Alessandro Baricco : la Voix de la mer


Quelques années après Océan Mer, Alessandro Baricco publie Soie, un autre conte remplit de sagesse où transpercent les émotions du voyage et de la découverte.


Impossible pour moi de ne pas évoquer ce roman, publié en 1993 en Italie puis en France pour la première fois en 1998. Le récit d'Océan Mer prend d'abord racine dans la pension Almayer, où sept mystérieux personnages vont se retrouver par hasard et changer, peut-être, leur destin et celui de leurs compagnons.


Telle était la pension Almayer. Elle avait cette beauté que seuls peuvent avoir les vaincus. Et la limpidité de ce qui est faible. Et la solitude, parfaite, de ce qui s'est perdu.

- Océan Mer, Alessandro Baricco

Un peintre au bord du monde, une jeune fille entre brume et ciel, un voyageur qui en a trop vu, une femme qui se cherche et s'atteint, des enfants enchanteurs... Tous, dans cette pension, souhaitent trouver le repos ou même la guérison. Mais des évènements bien plus troublants les tiendront en haleine jusqu'à la fin. Car entre les lignes de cette histoire s'en révèle une autre : celle d'un naufrage terrible qui a peut-être entaché par le passé plus d'un pensionnaire aujourd'hui immobile, en suspens face à la mer.


Mais guérir est un mot trop petit pour ce qui se passe ici. Et trop simple.

- Océan Mer, Alessandro Baricco

Car Océan Mer, sans grande surprise, c'est aussi l'histoire de la mer. Peut-être plus particulièrement ce qu'elle est capable de provoquer en nous. De son pouvoir sur les êtres et les choses, les sentiments, le passé ; le présent qui est peut-être la dernière et la seule temporalité. A l'image du ressac qui sans cesse se renouvelle en frôlant la côte, les personnages se trouvent, se retrouvent. Entre eux et en eux nait le courage face à l'impermanence du temps et des choses. Face à la vie qui, toujours, surprend, s'écoule, en un mouvement incessant ; tempête superbe, effrayante, d'une beauté magistrale si l'on se prend au jeu.


Ce livre remplit de sagesse n'est pas un roman d'aventure, ni un conte initiatique, ni un roman d'amour, ni un essai philosophique... il est tout cela à la fois. Et bien plus. Il nous emportera d'ailleurs bien plus loin qu'une plage lointaine. Alors, pourquoi ne pas lui faire une petite place dans notre sac de voyage ?


C'est un miroir, cette mer. Ici, dans son ventre, je me suis vu moi-même. Je me suis vu vraiment.

- Océan Mer, Alessandro Baricco

Un petit bonus et bijou d'Alessandra Baricco nous fera aussi partir en voyage d'une toute autre manière : Soie.

Embarquez pour la route de la soie dans ce roman tout petit qui déroule son fil entre la France et le Japon. Tout petit mais, mot après mot, si grand. En 1860, Hervé Joncour part pour l'empire du soleil levant pour sauver l'élevage de vers à soie français, contaminés par une épidémie. Il y rencontrera son amour impossible, qui donnera peut-être enfin une couleur nouvelle à sa vie. Plus vive et expressive, mouvementée, colorée comme un tissu exotique.

Mais y aura-t-il un prix à payer pour avoir fait revivre son existence ?


Et devant lui, rien. Brusquement, il vit ce qu'il croyait invisible.

La fin du monde.

- Soie, Alessandro Baricco


Salina : les trois exils de Laurent Gaudé, l'écriture des mythes


Salina : les trois exils, célébration ultime du verbe, a remporté en 2019 trois prix littéraires dont le Grand Prix du roman métis.


Ce roman de Laurent Gaudé a d'abord été une pièce de théâtre et cela se ressent tant la force narrative du récit emporte. Finalement publié comme roman en 2018, Salina : les trois exils raconte la vie d'une femme qui a toujours été considérée comme une étrangère dans le clan qui l'a adoptée. Déçue par ses pairs et finalement exilée, elle cherchera la vengeance face à l'amour promis qu'elle n'a jamais obtenu.


Le récit se déroule comme un conte, relaté par le dernier fils de Salina, Malaka. Sa mère maintenant décédée, il cherche un lieu où l'ensevelir. Au gré de sa peine et de ses tribulations, il tombe sur une ville dont les eaux abritent une île cimetière. Ses portes ne s'ouvriront que si l'histoire de la défunte satisfait. Alors il raconte. Et c'est le cimetière qui décidera.


A travers la voix du fils, la vie de Salina se dévoile mot après mot. Sous le soleil brûlant du désert, le mythe prend forme. L'écriture de Laurent Gaudé, encore une fois, par son talent superbe, mêle le mystique et la réalité crue, humaine. Les émotions transpirent à travers les pages : à cause de l'injustice, de la vengeance terrible, puis de la reconstruction. Que l'on devine et comprend à travers la figure de ce fils sincère et bon.

Laurent Gaudé ne cesse jamais de viser juste avec les contes qu'il nous partage. Je pense bien sûr à La Mort du roi Tsongor, ayant reçu le prix Goncourt des lycéens en 2002. Mais Salina : les trois exils a cette dimension ensoleillée, désertique, liée au déplacement, au voyage, à l'inconnu et au mythe qui se prête d'autant plus, selon moi, à nous accompagner où que nous allions cet été.


Darzagar a dit vrai : dans ces instants où tout s'achève naissent les jours de demain et il est prêt.

- Salina : les trois exils, Laurent Gaudé



Mes recommandations lectures de l'été feront peut-être l'objet d'une deuxième partie car j'ai de nombreuses autres idées en tête. En attendant, j'espère que l'un de ces contes saura vous convaincre autant qu'ils m'ont plu !




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